Ponction sous
échographie d’une adénopathie cervicale postérieure gauche chez un patient de
63ans. VIH+ connu depuis 1986, stade
SIDA en 1999. Antécédents de sarcome de Kaposi en 2000 (avec atteinte ORL,
digestive et cutanée) et de multiples infections opportunistes. Actuellement,
taux de CD4+ stable à 404 / µL, charge virale indétectable sous quadrithérapie
antivirale depuis plus de 4 ans.
Hospitalisation pour
bilan d’une polyadénopathie sus- et sous-diaphragmatique, à prédominance
cervicale, évoluant depuis 2018, avec majoration progressive en taille et en
métabolisme des ganglions au PET-Scan (SUV max entre 3,8 et 14,9). Discret
syndrome inflammatoire biologique, réactivation virale EBV mais sans aucuns
signes généraux.
Microbiopsie
ganglionnaire en juin 2019 pour diagnostic.
L'architecture
ganglionnaire est conservée avec la présence de plusieurs follicules lymphoïdes
à centres clairs germinatifs de taille variable.
On identifie
plusieurs petits amas, relativement bien circonscrits, constitués d’une
population de grandes cellules très atypiques, dont certaines correspondent à
des plasmoblastes aux noyaux irréguliers à chromatine fortement nucléolée et aux
cytoplasmes éosinophiles, d’autres ont un aspect centroblastique. Les atypies
sont marquées, avec de nombreuses figures de mitoses et quelques corps
apoptotiques. Ces foyers bien limités sont parfois au contact ou développés au
pourtour de centres germinatifs.
Il n’y a pas d’aspect
de maladie de Castleman associée. Les territoires interfolliculaires renferment
un mélange de petits lymphocytes et de plasmocytes.
• Immunomarquages et hybridation in situ
L'étude immunohistochimique ne met pas
en évidence d'anomalie de répartition des zones B et T. L'anticorps anti-CD20
souligne les follicules lymphoïdes secondaires normaux CD10+, BCL-2-, BCL-6+,
sous-tendus par un réseau de cellules folliculaires dendritiques (CFD) CD21+ / CD23+,
bien conservé et parfois hyperplasique. Les territoires interfolliculaires
renferment un mélange de petits lymphocytes T CD3+, CD5+ et de nombreux
plasmocytes CD138+ polytypiques après étude des chaînes légères kappa et lambda
par technique d’hybridation in situ
(HIS). Les grandes cellules très atypiques d’aspect plasmoblastique ou
centroblastique ont un profil CD20+ (avec un niveau d’expression plus faible
que les petits lymphocytes B adjacents), CD79a-, PAX5-, sans expression des
marqueurs T (CD5- et CD3-), au profil CD10-, BCL-2-, BCL-6-, MUM1+ (fort),
CD30-, EMA-, CD138- sans monotypie détectable après étude des chaînes légères
kappa et lambda en HIS. On retrouve des reliquats de réseaux de cellules
folliculaires dendritiques CD23+ / CD21+ en périphérie de certains foyers
tumoraux ou les sous-tendant.
Il existe surtout une co-infection de
ces cellules par les virus EBV (HIS EBER positive) et HHV8 (expression
nucléaire de la protéine LANA1).
L'index de prolifération cellulaire, évalué
à l'aide de l'anticorps Ki-67, est proche de 100% avec un profil CMYC+
(expression forte) et p53+ (expression forte).
Diagnosis information
Diagnostic proposé
Lymphoprolifération germinotrope HHV8+ /
EBV+.
Code ADICAP : PHSGJ7A0. Code
ICD-O : 9738/1
Discussion
• Caractéristiques
cliniques
La lymphoprolifération germinotrope HHV8+/EBV+
(LPG) est une entité très rare, décrite pour la première fois en 2002, et
récemment intégrée dans la dernière classification OMS 2016 des tumeurs
lymphoïdes. A ce jour, une vingtaine d’observations a été décrite dans la
littérature.
Elle touche le plus souvent des patients
immunocompétents (2/3 des cas), les autres patients étant VIH+, avec une
médiane d’âge de 60 ans lors du diagnostic.
Ils présentent une atteinte
ganglionnaire le plus souvent localisée (volumineuse adénopathie d’évolution
lente sur plusieurs mois) avec une prédilection pour la région cervicale et
sus-claviculaire, généralement sans signes généraux.
L’atteinte est parfois généralisée (un
quart des cas) avec la présence d’une splénomégalie et l’apparition de
symptômes B.
C’est une pathologie indolente avec une
évolution le plus souvent favorable sous traitement (polychimiothérapie parfois
associée à de la radiothérapie).
• Caractéristiques histopathologiques
Le diagnostic est plus aisé sur une
biopsie-exérèse ganglionnaire qui permettra d’apprécier au mieux l’architecture
et surtout d’examiner les centres germinatifs qui sont largement envahis par
cette prolifération de cellules de morphologie plasmoblastique.
La mise en évidence d’une co-infection
par les virus HHV8 et EBV dans les grandes cellules permet de porter le
diagnostic.
Les cellules plasmoblastiques peuvent
présenter une expression hétérogène des marqueurs B, même si le plus souvent,
on ne retrouve pas d’expression du CD20, de PAX5, du CD79a et du CD138. Le CD30
et le CD38 sont exprimés de façon hétérogène. Le marqueur MUM1/IRF4 est en
revanche toujours exprimé.
Une monotypie lambda ou kappa est
observée dans la majorité des cas mais l’étude de clonalité retrouve un profil
oligo- ou polyclonal.
• Diagnostic
différentiel
On évoquera surtout les autres
lymphoproliférations liées au virus HHV8, à savoir la maladie de Castleman
multicentrique (MCM), les lymphomes B à grandes cellules développés sur MCM et
les lymphomes primitifs des séreuses (PEL) mais les présentations cliniques
plus agressives et l’absence de co-infection HHV8/EBV permettent de recadrer le
diagnostic.
Conclusion
La lymphoprolifération germinotrope
HHV8+/EBV+ (LPG) est une entité très rare avec une évolution généralement
indolente et une évolution favorable après traitement.
Elle se distingue des autres entités
associées au virus HHV8 par le fait qu’elle touche des patients le plus souvent
immunocompétents.
Le diagnostic se fera en mettant en évidence
une co-infection par les virus HHV8 et EBV dans de grandes cellules colonisant
des centres germinatifs.
Notre patient est en cours de traitement
par chimiothérapie seule à base de Rituximab® (une cure hebdomadaire pendant 4
semaines) avec une surveillance clinique, biologique et radiologique
rapprochée.
References
1
- Du MQ, Diss TC, Liu H, Ye H, Hamoudi RA, Cabeçadas J, Dong HY, Harris NL,
Chan JK, Rees JW, Dogan A, Isaacson PG. KSHV-
and EBV-associated germinotropic lymphoproliferative disorder. Blood 2002;100(9):3415-8.
2 - Swerdlow SH, Campo E, Harris NL, Jaffe ES, Pileri SA, Stein H, Thiele J,
Arber DA, Hasserjian RP,
Le Beau MM, Orazi A, Siebert R (Editors). WHO Classification of tumours of
haematopoietic and lymphoïd tissues. WHO Classification of Tumours, Revised 4th
Edition. Volume 2. IARC Press (Lyon, France) 2017.
3
- Taris M, de Mascarel A, Riols M, Delwail V, Milpied N, Dubus P, Parrens M. Lymphoprolifération
germinotrope HHV8+/EBV+ : une entité rare, à propos d'un cas et revue de la littérature.
Ann
Pathol. 2014;34(5):373-7.
4 - Bhavsar T, Lee JC, Perner Y, Raffeld M, Xi L,
Pittaluga S, Jaffe ES. KSHV-associated and EBV-associated germinotropic lymphoproliferative
disorder: New findings and review of the literature.Am
J Surg Pathol
2017;41(6):795-800.
5 - Wang W, Kanagal-Shamanna R, Medeiros LJ.
Lymphoproliferative disorders with concurrent HHV8 and EBV infection: Beyond
primary effusion lymphoma and germinotropic lymphoproliferative disorder.Histopathology 2018;72(5):855-61.
6 - Vega F, Miranda RN, Medeiros LJ.
KSHV/HHV8-positive large B-cell lymphomas and associated diseases: A
heterogeneous group of lymphoproliferative processes with significant clinicopathological
overlap. Mod Pathol 2019 Sep 16. doi:
10.1038/s41379-019-0365-y.